Des expertises pluridisciplinaires sont organisées à l’initiative des agences gouvernementales pour assurer une visibilité aussi complète que possible sur le sujet. Ces expertises sont régulièrement réévaluées pour tenir compte de l’évolution des connaissances. Plusieurs dizaines ont été rédigées à ce jour avec des conclusions convergentes. On ne peut pas ici toutes les citer et on se limitera donc à trois organismes de référence.  

L’OMS

L’Organisation Mondiale de la Santé  (OMS) a rédigé en septembre 1999 une brochure d’information destinée au public. Les conclusions sont sans ambiguïté sur l’absence de risques liés à une exposition aux champs électromagnétiques. Il est notamment indiqué que « […] malgré les efforts de recherche intense, il n’existe pas de preuves selon lesquelles l’exposition aux champs électromagnétiques dans les limites recommandées présente un risque pour la santé ».

En juin 2007, l’OMS a publié un nouvel avis (Aide Mémoire n°322). Il s’appuie sur le travail d’un groupe international d’experts, mandaté par l’OMS pour établir un rapport de synthèse des analyses sur les champs d’extrêmement basses fréquences et la santé. La position de l’OMS est dans la continuité de celle de 1999 : « au vu de cette situation […] les politiques basées sur l’adoption de limites d’exposition arbitrairement faibles ne sont pas justifiées. »

Le site web de l’OMS contient un dossier thématique spécifique sur les CEM. On peut notamment y lire que  « S’appuyant sur un examen approfondi de la littérature scientifique, l’OMS a conclu que les données actuelles ne confirment en aucun cas l’existence d’effets sanitaires résultant d’une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité ». Sur le cancer en particulier, et sans nier le fait que certaines études épidémiologiques ont observé une légère augmentation du risque de leucémie infantile, l’OMS considère que « il est clair que si les champs électromagnétiques ont un effet réel sur le cancer, alors l’accroissement correspondant du risque ne peut être qu’extrêmement faible. Les résultats obtenus jusqu’ici présentent de nombreuses incohérences, mais quoi qu’il en soit, aucune augmentation importante du risque n’a été mise en évidence chez l’adulte ou l’enfant quel que soit le type de cancer. »

LE CIRC

Sous l’égide de l’OMS, le CIRC[1] (Centre international de recherche sure le cancer),évalue le potentiel cancérogène d’agents chimiques ou physiques. C’est en 2001 que le CIRC a rendu ses conclusions vis-à-vis des champs électromagnétiques statiques et d’extrêmement basse fréquence :

  • les études menées sur les animaux en laboratoire ont conclu à l’absence d’effet sur l’apparition et le développement des cancers ainsi que sur la reproduction (malformation, avortement) ;
  • aucun risque pour les adultes n’a été établi par les études épidémiologiques en général ;
  • certaines études épidémiologiques ont trouvé une association statistique entre l’exposition moyenne aux champs magnétiques pour des populations dites « exposées » et une augmentation du risque de leucémie pour l’enfant, mais sans que la démonstration de la réalité de cette association soit convaincante, car il n’existe aucun résultat expérimental (c’est-à-dire aucun mécanisme d’action identifié) qui vienne corroborer cette association

C’est sur cette base (quelques études épidémiologiques « positives » et études expérimentales « négatives ») que le CIRC a classé les champs magnétiques 50/60Hz comme « cancérigène possible » vis-à-vis du risque de leucémie de l’enfant, ce qui correspond au classement 2B[1].

Vis-à-vis de tous les autres types de cancers (adultes et enfants), les champs électriques et magnétiques statiques et à 50/60Hz, sont en catégorie 3, c’est-à-dire non classifiables en termes de cancérogénicité faute de données probantes.

Il faut souligner que cette expertise du CIRC, quoique désormais ancienne, fait toujours référence en ce sens que toutes les autres expertises qui se sont succédé depuis ont toutes plus ou moins posé la question : y-a-t-il de nouvelles données scientifiques, de nouveaux résultats d’études, qui justifieraient de revoir le classement du CIRC ?  … De fait depuis 2001, aucun nouveau résultat n’a justifié d’engager cette démarche alors que ça n’a pas été le cas pour d’autres produits : par exemple les fumées de moteurs diesel ont été réévaluées de 2A en 1 (« cancérigène certain ») en 2013.  On retiendra donc que depuis 2001, aucun nouveau résultat d’étude n’est venu aggraver les risques observés antérieurement.

[1] Au niveau international, le CIRC est connu sous son nom anglais IARC (International Agency for Research on Cancer)

[2] Les classements 1, 2A, 2B, et 3 correspondent respectivement à « cancérigène avéré », « cancérigène probable », «  cancérigène possible » et « non classable en termes de cancérogénicité »

L’ICNIRP

L’ICNIRP (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection) a publié un livre bleu sur les champs électromagnétiques en 1999 et l’a mis à jour en 2003.Ce livre bleu, traite des conséquences sur la santé humaine des expositions aux champs électriques et magnétiques de 0 à 100 kHz. L’ICNIRP aboutit également à des conclusions proches du CIRC, notamment en ce qui concerne la leucémie chez l’enfant : « Un large corpus de données de grande qualité existe, avec des mesures de l’exposition, une bonne méthodologie, des études de taille suffisante pour la leucémie et les tumeurs cérébrales chez l’enfant et pour l’exposition professionnelle en lien avec la leucémie et les tumeurs cérébrales chez l’adulte. Parmi tous les risques évalués dans les études épidémiologiques sur les champs électromagnétiques, la leucémie de l’enfant en lien avec une exposition postnatale supérieure à 0,4 µT est celui pour lequel il y a le plus de preuves en faveur d’une association. […] Il est peu vraisemblable que cela soit dû au hasard, mais cela peut être en partie dû à des biais. Ces chiffres sont difficiles à interpréter en l’absence de mécanisme connu ou de résultats expérimentaux reproductibles ».

Néanmoins, l’ICNIRP est surtout connu pour la publication régulière de recommandations sanitaires (Health Guidelines[1]) sur l’exposition aux champs électromagnétiques. Celles publiées en 1998, et couvrant toute la gamme de fréquences entre 0 et 300 GHz, ont notamment servi de base à la législation européenne sur la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (Recommandation Européenne RE 1999/519/CE) qui a fixé les valeurs de 100 µT et 5 kV/m pour les champs à 50 Hz.

L’ICNIRP a revu ces recommandations en 2009 pour les champs statiques et en 2010 pour les champs de basse fréquence[2] (1 à 100 kHz). Elles indiquent à propos des effets sanitaires à long terme que « la relation causale entre champ magnétique et leucémie infantile n’a pas été établie et aucun autre effet à long terme n’a été confirmé ». Après une revue exhaustive de l’ensemble des nouvelles données scientifiques disponibles, l’ICNIRP a proposé de nouvelles valeurs limites d’exposition pour le public et les travailleurs, basés sur les seuls effets scientifiquement établis, à savoir l’excitation des tissus nerveux par effet d’induction. Le niveau d’exposition recommandé pour le public est désormais établi à 200 µT, valeur qui a été reprise par certains pays européens comme l’Allemagne, l’Autriche et la Finlande. Les valeurs préconisées pour les travailleurs ont été adoptées en 2013 au niveau européen par une directive sur la limitation des expositions professionnelles (directive 2013/35/UE) qui a été transposée dans le code du travail français en 2016 (décret 2016-1074).

[3] Les Health Guidelines de l’ICNIRP ont été traduites en français par l’INRS. Ainsi celles de 1998 sont accessibles ici : http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ND%202143 

[4] et celles de 2010 ici : http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=PR%2047

AU NIVEAU EUROPEEN

On vient de voir que la législation européenne sur la limitation des expositions aux CEM s’appuie largement sur l’expertise internationale et notamment celle de l’ICNIRP. Néanmoins, l’Europe a aussi prévu dans le cadre de cette législation de procéder régulièrement à une analyse des résultats de recherche de manière à déterminer s’il y a lieu ou non de modifier cette législation. Ainsi depuis l’adoption de la Recommandation européenne de 1999, la Commission européenne a mandaté à 4 reprises un comité scientifique pour faire ce bilan. Le dernier date de 2015[1] et comme les deux précédents (en 2006 et 2009) a été réalisé par le SCENIHR (Scientific Committee on Emerging and Newly Identfied Health Risks). Il conclut ainsi « Comme établi dans les précédents avis, aucun mécanisme n’a été identifié et aucun résultat des études expérimentales ne vient appuyer les résultats épidémiologiques ce qui, vu les faiblesses des études épidémiologiques, ne permet pas de les interpréter comme des relations de cause à effet. »

[5] https://ec.europa.eu/health/scientific_committees/emerging/docs/scenihr_o_041.pdf